3ème rencontre groupe Glissant – 31 octobre 2019

Par cet après-midi pluvieux, l’ambiance à l’Espace Mozaïk est détendue et joyeuse. Deux nouveaux participants, Michiele et Ergun, se sont joints au groupe, l’un d’entre eux n’est pas sûr de suivre le parcours mais il va rester pendant la rencontre. Elle se déroule sous le signe du corps. Le corps en repos, en attention, en action, en création…

On commence par l’écoute du reportage radio qui contient des enregistrements de la visite à l’exposition. Ils écoutent attentivement, sans bouger et rigolent dès qu’ils reconnaissent quelques voix, les nôtres, les leurs. L’extrait est court, l’échange qui le suit aussi.

On revient sur la visite précédente, il y a deux semaines, de l’exposition « Les cases de la mission ». On leur propose un exercice d’échange par petits groupes sur ce qu’ils ont aimé et ce qu’ils n’ont pas aimé de cette visite, pour ensuite restituer les paroles de l’autre au groupe. Nous aimerions ouvrir un espace pour discuter du contenu de cette expo, évaluer la pertinence de cette visite d’après les retours du groupe, savoir si notre inconfort a été partagé par les participants. Les échanges sont vifs, bruyants, dynamiques. Mais l’exercice ne prend pas, c’est difficile pour eux de se montrer critiques envers cette sortie et leur niveau de français ne leur permet pas de s’exprimer avec un discours indirect. Dans ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’aiment pas, ils évoquent plutôt des choses du quotidien, sans faire le lien avec l’expo, ce qui met en évidence que la consigne n’a pas été vraiment saisie. Ou pas vraiment adaptée. Ou bien qu’ils ont choisi de ne pas entrer en matière sur le contenu de cette expo et de critiquer ce qu’on leur propose… Les médiatrices, l’artiste associé et les relais exprimons notre désaccord et notre malaise avec la réalité dont l’exposition a témoigné. Pudeur, politesse, distanciation… quelles qu’en soient les raisons, aucun participant ne nous fait part d’un sentiment négatif quant à l’exposition. Aucun d’entre eux n’évoque non plus le contenu de l’expo dans des retours positifs mais certains considèrent comme positif le fait d’avoir amené la Chrétienté en Afrique.

Stéphane Blok a amené sa guitare basse pour présenter son travail. Il n’introduit que très peu ce qui suivra, il préfère laisser la musique parler et il enchaîne quelques-unes de ses compositions. La quiétude s’installe dans l’espace, la mélancolie qui émane des chansons de Stéphane entraîne le groupe dans un moment magique, intime ; l’écoute se fait dans une espèce de communion où personne n’ose bouger, juste pour applaudir à la fin. Stéphane nous présente son instrument : une guitare basse qu’il a transformée en fretless pour avoir plus de jeu, il montre les nuances du son que cette modification permet sous le regard attentif de tous. Puis, il présente son travail en général et son parcours qui, pourtant riche, est résumé en quelques mots.
Et là, il faut bouger. Cela fait presque une heure que nous sommes assis et le corps demande un changement de dynamique ! Alors on se lève, on circule, on boit du thé… le cercle du début se désintègre pour laisser place aux échanges sur la musique, aux présentations avec les nouveaux, à des discussions détendues.
Après cette petite pause on leur présente un extrait vidéo de « Libertalia », la pièce de Heidi Kipfer que nous irons voir la semaine d’après au Théâtre Benno Besson à Yverdon – pièce librement inspirée de l’Histoire générale des plus fameux pirates de Daniel Defoe. Ensuite, nous leur racontons l’histoire de cette épopée pirate, la limite subtile entre mythe et histoire et nous situons Madagascar sur la carte d’Afrique. Cette présentation est très brève car nous avons compris que l’accumulation de mots finit par les désintéresser, ce sont plutôt les images qui peuvent leur parler, les amener à réfléchir…

Donc, pour aborder cette utopie pirate nous nous appuyons aussi sur des images mais, cette fois, ce sont eux qui doivent créer les images avec leur corps. On leur propose de représenter, par petits groupes, un tableau qui illustrerait cette société nouvelle que l’on mettrait en place si l’on était ces pirates. Cet exercice de théâtre-image entraîne tout le monde à créer des « cartes postales ».

Dans cette société idéale que les participants imaginent il est question de chanteuses sous les palmiers, de joueurs de foot, de plage et de soleil, de cuisine, de yoga et de détente. On se montre les images l’uns aux autres et cela permet de rigoler, d’échanger, de faire fuser des nouvelles idées. Pour clore cet échange, nous proposons de créer une image qui comprend la totalité du groupe : chaque participant annonce son rôle en s’ajoutant à l’image. Et là, il est question de trésor, du rhum, de bateaux… on s’approche ainsi de l’imagerie pirate !

Avant de se séparer, il faut régler les questions organisationnelles pour la sortie à Yverdon : billets de train, abonnement, horaire, point de rencontre… un élément significatif émerge lors de cette discussion. Puisque le trajet se fera en train, nous proposons logiquement de nous donner rendez-vous à la gare de Lausanne. Mais certains des participants insistent pour que nous nous retrouvions devant le McDonald’s en face de la gare. On comprend que lorsque l’on est un homme noir qui attend devant la gare, on a de fortes probabilités de se faire interpeller par la police.

Nous finissions la séance en musique, en leur faisant écouter des chansons de marins que nous avons amenés et en leur en remettant les paroles. La musique prend un peu mais l’attention se dissipe rapidement, il faut bouger, se préparer à partir et se dire au revoir.