Vernissage création partagée

Vernissage

Mercredi 9 janvier 2018 aux alentours de 19h. Nous sommes dans la Villa du Jardin Alpin de Meyrin avec quelques suiveuses et suiveurs du Cairn (nom du lieu) et de La Marmite. Le Cairn est un espace chaleureux qui a déjà fait, par le passé, un bel accueil aux créations partagées de plusieurs groupes de La Marmite.

Il y a de l’excitation, de la joie et une tristesse douce dans l’air. Le parcours du Groupe Fernand Pelloutier traitant de la citoyenneté arrive à son terme. En effet, il s’agit ce soir-là de vernir l’œuvre qui le clôt. Les participant.e.s qui ont pu se libérer (certain.e.s sont plus difficiles à joindre qui ont quitté l‘orbite d’Argos) arrivent un peu après tout le monde comme des guests stars flanquées de Jean-Julien le travailleur social du Toulourenc. Ils n’ont que quelques instants pour découvrir les portraits que l’artiste-photographe Steeve Iuncker a fait d’eux avant que ne débute la partie officielle.

Thierry Ruffieux réunit les présents dans l’espace d’exposition et souhaite à chacun.e la bienvenue en rappelant l’esprit du Cairn, sa politique de résidence, son choix d’une programmation s’ouvrant à l’inattendu et ses valeurs d’hospitalité – quasiment une forme de désobéissance civile à notre époque lance-t-il !

Au nom de La Marmite, je rappelle qui est Pelloutier (voir sous l’onglet « production artistique » du Groupe Fernand Pelloutier) et sa conviction que l’opprimé doit acquérir la « science de son malheur » s’il entend se libérer de son exploitation et de ses aliénations. D’où l’engagement – commun aux Bourses du travail qu’il a fondées voici plus d’un siècle et de notre association – à développer l’accès à la Culture et aux savoirs quitte à en bémoliser voire à en pourfendre les leçons.

Au nom du tandem qu’elle a constitué avec Éliane Rigamonti, Barbara San Antonio dit combien chaque parcours est une nouvelle aventure, combien elle ne répète pas la précédente. S’ouvrir à de nouveaux participants implique une réinvention et, surtout, une ouverture aux personnes avec les urgences qui sont les leurs.

Est rappelée aussi combien la constitution même du groupe – avant le début du parcours – fut en soi une aventure. Merci à Stéphane Michaud, le responsable du lien aux associations.

Claudia et Fabrizio – deux participants – prennent ensuite la parole indiquant, pour le second, combien il est reconnaissant à Steeve du portrait qu’il a fait de lui. Fabrizio explique qu’il n’aime pas les photos que l’on fait de lui ordinairement ; là, cependant, il se trouve vrai ; il se retrouve. En effet, sa représentation montre un regard franc, une fatigue sous l’œil et un sourire d’une grande pudeur.
Dans un rire, Claudia évoque son strabisme légèrement divergent et signale qu’elle aussi, pourtant, se trouve belle telle qu’exposée ; elle pourrait s’aimer.
Se rehausser sans se quitter, retrouver une estime de soi sans autre artifice que l’attention qu’on nous porte et que l’on se porte à soi-même. L’entretien avec le photographe et la pose comme des gestes éthiques.

Steeve Iuncker, artiste du groupe, remercie les participants et dit n’avoir pas cherché spécialement l’esthétique, mais la vérité. Et il lui paraît, de fait, que ces images disent ce qu’il a senti de chacun.e lors des rencontres avec le groupe.
Le travail sérigraphique, en superposant des couches de pigments, semble donner une épaisseur, un volume à l’image. Ainsi, celle représentant Claudia lui donne un visage et un cou aux modelés délicats. Un autre portrait nous toise avec une force étonnante. Le diptyque représentant Rachel la révèle – dans le premier volet – dans une sombre lumière, pointant valeur et affres obscures. Dans le second, l’impression – quasiment insensible – est si subtile qu’elle semble la trace d’un visage qui aurait quitté le sable. Une forme de souvenir évanescent qui attise nos facultés d’attention et nous touche – Rachel n’ayant plus donné de nouvelles depuis la dernière sortie.
On retrouvera quelques indications complémentaires, notamment sur les enregistrements qui accompagnent l’expo dans la présentation de la production : sous l’onglet « production artistique » du Groupe Fernand Pelloutier.

Jean-Julien, l’éducateur, apporte lui aussi son témoignage appuyant notamment sur deux éléments de grande satisfaction. L’un relativement à la chance fournie par ce projet de voir collaborer les participants de trois institutions (celles qui composent Argos) qui ont chacune une mission et une approche spécifiques. La chose semblait complexe à nombre de ses collègues. Très simplement, le parcours de La Marmite lui a paru levé tous les obstacles imaginables.
Deuxième remarque, il s’est senti un être humain parmi d’autres tout au long de ce parcours. Et non plus un professionnel avec « ses » usagers. Il a vu le parcours – à tous niveaux – accompli par les participants ; il évoque le sien aussi bien. Chacun.e a évolué et s’est nourri à cette source artistique.

Dans les effluves et les délices « bio » de l’agape préparée par les bons soins de Natacha Jaquerod, les conversations donnent une vie plurielle à l’exposition et permettent aux membres du Groupe Pelloutier de rencontrer quelques accompagnateurs et participants du Chœur Pylade – cet autre groupe de La Marmite qui leur permet – s’ils le désirent – de prolonger l’expérience autant qu’ils le souhaite.

Mathieu Menghini

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