Atelier de préparation pour le film Keeper et retour sur la rencontre avec Daniel Sibony – Cycle de Montbrillant, le 30 avril 2019

Retour sur notre rencontre avec l’intellectuel

Comme nous n’étions pas retourné-e-s dans la classe depuis notre rencontre avec Daniel Sibony un mois plus tôt, il nous paraissait nécessaire d’avoir le retour des élèves sur cette expérience, de partager leurs impressions et ce qu’ils/elles avaient retenu de ces échanges.

Victor, peut-être par esprit de controverse, nous dit qu’il ne se rappelle plus du tout de cette rencontre. Antonio lui rétorque alors que c’était le monsieur au grand chapeau, le psychanalyste, celui qui parle aux gens et résout leurs problèmes. Il nous avait parlé de sa vie et de l’amour. « Oui, c’est comme un psychologue, sauf qu’il a fait médecine ! » s’exclame un élève.

Ecriture collective

Afin de favoriser un échange libre entre les élèves, nous avons décidé de les mobiliser autour d’un exercice d’écriture collectif. Nous leur avons demandé d’écrire sur une grande feuille un ou plusieurs mot(s) clef(s) issu(s) des notions qu’ils/elles avaient retenues lors de cette rencontre. Au début, les élèves sont réticent-e-s. L’exercice d’écriture les bloque un peu à cause des fautes d’orthographes qu’ils/elles pourraient faire. Mélanie se porte volontaire pour faire la secrétaire et noter les mots. Le groupe entier va s’entraider au cas où il y aurait un doute sur l’orthographe.

Les mots fusent :

souffrance famille amour
illusion transfert couple
ennui passion désir
joie émotions haine…

Cet exercice d’écriture nous a permis de faire travailler le groupe dans son ensemble, de favoriser l’entraide sur les questions d’orthographe et de susciter des débats sur le sens et le choix des mots. Chacun-e a pu argumenter et expliquer pourquoi il/elle avait choisi tel ou tel mot. Nous les lisons à haute voix et les échanges se font d’emblée très spontanément.
Le mot famille fait réagir Adrien qui nous reparle de « Roméo et Juliette » et que l’amour est parfois impossible. Il nous parle des gangs, des clans et qu’aujourd’hui encore on ne peut pas toujours s’aimer comme on le voudrait à cause de la famille. Une autre élève nous dit que l’amour est parfois impossible pour des questions d’origine et de culture. Elle-même Brésilienne, ses parents aimeraient qu’elle épouse un homme de la même origine.
La notion de souffrance et l’ambivalence des émotions et des sentiments inhérentes à l’amour reviennent dans le débat. «L’amour c’est souffrir. Par exemple lorsqu’il y a trahison ou lorsqu’on n’est pas aimé en retour » nous révèle une élève. Elle ajoute que le manque de communication et de parole peut empêcher ou tuer l’amour. « Des fois, on préfère blesser les personnes que l’on aime plutôt que de dire les choses ».
Il n’est pas évident d’exprimer ses sentiments ou ce que l’on pense mais nous tombons tous et toutes d’accord pour dire que quand surgit un problème, il convient de ne pas encaisser seul-e en intériorisant ses émotions. Il faut en parler et tenter d’exprimer ce que nous ressentons. Avoir la possibilité de se confier à un-e ami-e est très important et cela peut nous aider à aller mieux.

Présentation brochure « Le Banquet »

Comme dans tous les parcours de la Marmite, l’artiste qui suit un groupe est en charge d’élaborer une création partagée rendant compte de l’expérience au fil du temps. Paul Jennie, avec qui nous avons collaboré durant cette année, avait eu l’idée d’une exposition au sein de l’école afin de mettre en avant et de valoriser le travail des jeunes. Au fur et à mesure de l’avancée du parcours et de notre proximité avec les élèves, nous avons senti que l’exposition ne serait pas une bonne idée, que cela les mettrait dans une position inconfortable car trop exposé-e-s au regard et au jugement d’autrui.

Nous voulions débattre de ce sujet avec eux/elles et trouver ensemble ce qui serait le plus adéquat pour le groupe. Nous nous étions vus au préalable avec Paul afin d’imaginer des formats de production artistique qui pourraient convenir. Nous avions eu l’idée d’une brochure retraçant l’aventure du parcours sous forme de texte et de photos qu’ils/elles pourraient emmener chez eux/elles et montrer à qui ils/elles voudraient. Cela nous paraissait le plus réalisable et approprié pour nos participant-e-s.

Lors de notre discussion, effectivement, les élèves nous ont affirmé clairement qu’ils /elles ne voulaient pas faire une exposition au sein de l’école. C’était sans doute une trop grande prise de risque d’exposer son image aux possibles moqueries des élèves de l’école. Le format de la brochure, comme compte rendu de l’expérience et mémoire du parcours, leur a tout de suite plu. Paul a dû faire preuve d’une grande flexibilité et élaboré ce nouveau support dans des délais assez courts.

Il est vrai que le travail de médiation demande en permanence des réajustements, de laisser de côté certaines ambitions, de rebondir sur l’imprévu et de se laisser porter par l’existant, la réalité du moment. La brochure, mémoire du parcours « Le Banquet », sera vernie le 24 juin à la comédie de Genève lors d’une exposition où les parents et les enseignant-e-s seront convié-e-s.

Présentation du film « Keeper » de Guillaume Senez (2015)
Nous avons consacré la deuxième partie de notre atelier à la préparation du film « Keeper ». Ce film raconte l’histoire de deux adolescents de 15 ans amoureux pour qui la vie et les relations vont changer le jour ou la protagoniste tombe enceinte. Ils s’ensuivront des choix qui seront déterminants pour leur parcours de vie.
Ne voulant pas gâcher le plaisir de découvrir ce film mais voulant aussi susciter l’intérêt des participant-e-s pour notre prochain rendez-vous, nous avons décidé de leur passer la bande annonce du film en guise d’introduction. Puis, nous avons travaillé autour de la notion de l’aveu/de la confession.

Improvisation théâtrale

La deuxième partie de notre atelier a été consacrée à la mise en jeu des élèves autour du thème de l’aveu, de la révélation. Comment fait-on lorsque nous avons une nouvelle importante (positive ou négative) à annoncer à quelqu’un de proche ? Quelles sont les émotions qui nous animent ? Est-ce une démarche facile à entreprendre? Nous avons demandé aux participant-e-s s’ils/elles avaient déjà expérimenté de tels moments et comment ils/elles les avaient vécus intérieurement.
L’objectif était de mettre en exergue un des thèmes centraux du film et d’engager le groupe dans une activité ludique, mobilisant la créativité et la coopération à travers l’outil théâtre. C’était aussi l’occasion d’aller plus loin dans les exercices théâtraux que nous avions déjà amorcés lors de notre rencontre du 14 mars pour la préparation de la pièce « Love is a river ».
Ensemble, nous discutons sur les différents types d’annonce auxquels nous pourrions être confronté-e-s (nous voulions nous baser sur les idées des élèves pour constituer les saynètes) :
• annoncer une maladie grave *
• dire que l’on va se marier *
• divulguer que l’on a eu des mauvaises notes ou que l’on a été irrespectueux-se à l’école*
• révéler son homosexualité ou sa transsexualité
• confesser que l’on a des problèmes d’argent
• déclarer sa flamme à la personne que l’on aime et dire je t’aime
* scénarios qui ont été tirés au sort par les trois groupes.

La consigne était la suivante :
– par groupe de trois, faire une improvisation d’environ deux minutes avec un temps de préparation de dix à quinze minutes.
– définir qui ils/elles sont (la relation entre les personnages) et le lieu (ils/elles devaient ensuite nous le faire comprendre à travers leur jeu)
En ce qui concerne la construction de la scène, elle devait comporter :
– un début (installation de la scène, qui sommes nous et où sommes nous)
– le moment de l’aveu qui provoque les réactions des personnages (révélation-« conflit »)
– une fin (conclusion et résolution de « conflit »).
Afin de faciliter le jeu d’acteur-trice et de donner un cadre, nous avons demandé aux jeunes d’expérimenter différentes émotions. Le premier personnage devait annoncer la nouvelle, les deux autres devaient soit être en accord (ou être favorable) à cette révélation ou, au contraire, être en opposition. Les trois personnages devaient trouver un moyen, à travers la mise en scène, de résoudre la tension.
Les improvisations se sont très bien passées et les élèves ont été participatif-ve-s et très impliqué-e-s dans cette activité. Nous leur avons laissé suffisamment de temps de préparation afin qu’ils/elles se sentent à l’aise de faire une présentation devant le reste de la classe. A noter que la professeur d’art dramatique était présente ce jour là et qu’elle a aussi accompagné les participant-e-s dans ce processus de création artistique.
Nous avions prévu de faire d’autres improvisations en lien cette fois avec l’annonce d’une grossesse (non voulue) à différentes personnes avec qui nous avons un lien de proximité (ex : la fille annonce au garçon, le garçon annonce au papa, le garçon annonce à son meilleur ami, etc.). Le temps nous a malheureusement manqué mais, au vu de la qualité de participation (et le plaisir qu’on eu les élèves à construire les scènes) et des rendus auxquels nous avons assistés, nous nous sommes rendues compte du grand potentiel artistique et collaboratif que constituait notre groupe « Le Banquet ».