Première rencontre avec le Groupe Le Banquet, classe CT – Cycle de Montbrillant 8 février 2019

Lors de notre premier rendez-vous avec les quatorze élèves du Groupe Le Banquet, nous avons eu l’occasion d’établir un très bon contact autour de différentes activités qui ont suscité bien des réactions et des commentaires.

Afin de poser un cadre à notre programme de médiation, nous avons présenté tout d’abord l’association la Marmite, ses buts et les publics engagés, et plus précisément notre parcours sans en dévoiler tous les mystères afin de préserver l’effet de surprise et susciter la curiosité. Notre thème pour ces quelques mois sera l’Amour ! A ces mots, on entend quelques ronchonnements…

Nous avions décidé de ne pas trop parler en début d’animation mais plutôt d’engager directement les jeunes dans une activité qui nous permettrait d’amorcer une discussion sur notre thème. Nous voulions les inviter à être dans l’action plutôt que dans une écoute passive.

Les Portraits
Pour cette première activité, nous avons changé la disposition habituelle des pupitres et placé une grande table au milieu de la classe où les élèves ont pu s’asseoir face à face, six d’un côté, six de l’autre. Chacun.e disposait d’un crayon et de cinq feuilles de papier devant lui/elle. La consigne pour cet exercice était de dessiner le/la camarade en face de soi en le/la regardant sans jamais le/la quitter des yeux. Une fois terminé, chaque élève dessinait un.e autre camarade jusqu’à avoir dessiné cinq personnes et s’être fait tirer le portrait cinq fois !

Le rendu des portraits et des dessins a donné lieu à bien des réactions et des rigolades. Entre abstraction totale, petite ressemblance, soucis du détail, les élèves ont pu exprimer leur créativité très librement. Andy s’exclame « c’est chelou, Mohamed m’a dessiné avec des cornes ! »

Notre but, à travers cette activité, était d’engager une discussion sur ce que cela fait de regarder une personne et d’être regardé.e. Le regard étant un moyen direct et spontané d’établir un contact, un lien, d’entrer en relation avec autrui. Quel regard portons-nous sur les autres et quelle est l’image que nous leur renvoyons ? Voyons-nous les gens qui nous entourent tels qu’ils sont ou sont-ils déterminés par nos propres projections ? L’amour n’est-il pas aussi une affaire d’image et de regard que nous portons les un.e.s sur les autres ?

Nous leur avons posé la question sur ce que cela leur avait fait de se regarder fixement pendant plusieurs secondes. Certain.e.s nous disent « je sais pas » ou alors « ça fait rigoler » ou « ça fait bizarre ».

En mettant les dessins des élèves côte à côte, nous avons remarqué que chaque dessinateur/trice avait « une patte », une façon de dessiner très personnelle et unique. Bilal nous dit «  on voit bien que chacun a son style et que chacun.e est différent.e ! ».

Nous avons ensuite demandé aux élèves de faire un dernier portrait mais cette fois en prenant le temps de bien dessiner son/sa camarade et en regardant la feuille. Mohamed a trouvé qu’il ressemblait à Pablo Escobar sur le portrait fait par Elil. Il a ajouté « C’est bizarre comme tu me vois ! »

Pour conclure l’activité, nous leur avons demandé de dire en un mot ou une phrase sur ce qu’ils/elles avaient retenu de cette expérience. Les mots fusent «  sympa ! », « drôle ! », « gentil ! », « stress ! », « ça change ! ».

 Le jeu du Miroir
Pour faire écho à notre première activité sur le regard et la création de liens, et afin de stimuler les élèves, nous avons enchainé sur une activité qui engage le corps, le mouvement et fait circuler l’énergie collective : le jeu du miroir. Ce jeu consiste à former un binôme, de se positionner face à face et d’exécuter une série de mouvements en même temps sans qu’il n’y ait un.e leader ou un.e suiveur.euse. L’écoute et la connexion avec l’autre sont donc de rigueur. Il s’instaure alors une suite de mouvements chorégraphiés, les joueur.euse.s ne font plus qu’un.e.

Les élèves ont été amusé.e.s par cet exercice et ont bien joué le jeu, collaborant ainsi à la création de leur propre chorégraphie. Certain.e.s ont exécuté des mouvements de « break dance » pour défier leur camarade et voir s’il/elle pouvait les suivre. Les mettre physiquement à contribution leur a permis de lâcher des tensions et de les rendre disponible pour la suite de la matinée.

Le Banquet
Pendant la pause, nous avions disposé sur une grande table au fond de la classe diverses choses à manger et des boissons, ainsi que des chaises tout autour. En revenant, les élèves ont été très surpris.e.s de découvrir notre table de Banquet.

Nous avions décidé, qu’en regard du nom de notre Groupe « Le Banquet », en référence à un texte de Platon de -380 av J.C où différents philosophes, poètes et penseurs grecs discutent de la notion d’amour, que nous allions, nous aussi, nous réunir autour des plaisirs de la table pour discuter de « qu’est-ce que l’amour ? ».

Cette mise en scène informelle a été très favorable à la présentation des différentes notions abordées dans le texte et à nos échanges d’idées très vivants.

Nous avons parlé tout d’abord du lien que nous entretenons avec la nourriture, du plaisir de se réunir autour d’une table et du pourquoi nous mangeons ensemble. Mélanie nous a dit « c’est important pour partager en famille, comme cela on peut se donner des nouvelles ». Nous parlons des plats de l’enfance, ceux qui nous font du bien et nous ramènent à des émotions positives. Victor nous dit que pour lui c’est le fromage, Antonio ce sont les pâtes, « c’est normal, je suis italien ! ».

Comme le présente Phèdre, l’amour ou le sentiment amoureux nous permettrait d’accomplir de belles actions. Nous leur posons la question si l’amour est un moteur qui nous permet de réaliser de belles choses dans nos vies ? « Oui, des enfants » nous dit Antonio. « Mais ça coûte cher ! » ajoute-il. Notre groupe du jour, constitué presque exclusivement de garçons tombe d’accord pour affirmer que l’amour ça coûte cher et que les femmes coûtent cher (!). Mais l’amour n’est pas qu’une question d’argent, c’est une rencontre, c’est montrer de l’intérêt à l’autre selon Mélanie.

Nous parlons ensuite de l’amour idéal, comme en parle Aristophane lors de ce Banquet (mythe d’Aristophane). Y aurait-il quelque part un être idéal, notre parfaite moitié ? L’amour parfait existe-t-il ou est-il une construction sociale/mythologique ? Nous parlons des médias, des films, de la publicité. De l’amour du dedans (la personnalité, l’âme) et du dehors (l’apparence physique). Antonio nous révèle que l’apparence physique c’est très important. Mais après discussion tous s’accordent à dire qu’il faut un équilibre entre les deux.

C’est un peu comme l’exercice que nous venons de faire avec nos dessins, tout dépend de comment on regarde les choses. Les garçons nous disent que l’amour idéal n’existe pas mais Mélanie nous révèle qu’elle y croit et que ça dépend de chacun.e de nous de le trouver. Le groupe est d’accord pour dire que chacun.e d’entre nous est le moteur de ses envies, de ses réalisations et le maître/esse de son destin.

Et puis, l’amour n’est pas qu’une question de couple, il est présent dans la famille, l’amitié, la musique, la nature. C’est un lien, un intermédiaire entre deux choses comme le mentionne Socrate. Luca nous dit qu’il est amoureux de sa playstation…

Oui, pourquoi pas. Mais peut-on être amoureux/se d’un objet ?

Certaine personnes ne sont-elles pas tombées amoureuse d’œuvre d’Art ? David nous dit en rigolant : « Moi je suis amoureux de la Mona Lisa ! ». Vu le succès de cette œuvre, peut-être suscite-t-elle chez celui qui la regarde un sentiment proche de l’amour… ?

Nous évoquons des sentiments inverses à l’amour comme la tristesse, la haine, la dépression, la déception et que l’on peut être blessé.e par les gens que l’on aime.

A la question peut-on vivre sans amour et sans les un.e.s les autres. On entend « oui ! » « non ! » et tout le monde s’anime. Antonio nous dit «  Oui, on peut, mais la vie ça serait de la merde ! ».

Tout en continuant à partager notre festin, nous leur présentons notre prochaine sortie au musée de l’Ariana et ils semblent tous curieux de connaitre la suite de notre parcours.

Cette première rencontre s’est très bien passée et nous avons vu des élèves attentif/ve.s et partant.e.s pour l’aventure. Nous avons même vécu un petit moment « suspendu dans le temps », pendant l’explication du mythe d’Aristophane, où toutes les paires d’yeux et d’oreilles étaient attentives et curieuses, comme captées par le récit !

Une des enseignantes nous a révélé qu’elle ne les avait jamais vu aussi concentrés et à l’écoute. Elle a ajouté « comme quoi, on peut présenter des sujets d’une autre manière et révéler le potentiel des élèves ! ». Cela nous encourage beaucoup et nous motive pour la suite de notre parcours…