Un thé à RECIF et des nouveaux visages

On se retrouve à RECIF deux semaines après la première sortie pour échanger sur le spectacle Dimanche. Au programme, 2h30 d’échanges : tout le monde est le bienvenu et on compte large pour être sûres que toutes les intéressées puissent passer un moment en compagnie du groupe. On s’installe, on aménage la salle à notre meilleure convenance, on déballe biscuits et on fait chauffer de l’eau. Quand tout est prêt, je commence par revenir sur le concept de La Marmite : dans le train, la dernière fois, c’était assez expéditif, alors on reprend le programme, les différentes sorties, l’idée de constituer un groupe pour quelques mois qui partagera les mêmes expériences et échangera les ressentis, les idées, les émotions, et puis surtout, la cerise sur le gâteau : on peindra un mur au sein même de RECIF !

De nouvelles femmes nous ont rejointes ce soir : on fait un petit tour de table pour se présenter. Les niveaux de langue sont assez différents, mais toutes les participantes ont l’air content d’être là. Le spectacle Dimanche s’est tenu deux semaines plus tôt, et certaines femmes n’ont pas eu la possibilité de venir, alors je prends d’assaut le tableau blanc et je raconte, schématiquement, scène après scène ce qu’on a vécu au TPR de La Chaux-de-Fonds. Il y avait les trois journalistes d’un côté, qui traversent le monde jusque dans les contrées les plus lointaines, les plus touchées aussi par la crise climatique : la banquise qui fond, les ouragans qui arrachent les forêts, les tsunamis qui ravagent les côtes. Et puis il y a le couple et la grand-mère, bien à l’abri dans leur appartement, la télé qui transmet les informations est vite coupée, mais la canicule frappe ici aussi. Le spectacle alliait avec finesse l’humour visuel, les morts brutales et les changements d’échelle. Et puis il y avait ce van miniature qui traversait les paysages que formait sur la table le corps d’une des comédiennes : acte un, corps emmitouflé dans le blanc d’une combinaison de neige ; acte deux, corps habillé de vert et de brun côtelés ; acte trois, corps à nu, si fragile à regarder. Corps-paysage, une manière tellement poétique de dire que la nature et nous, que nous et la nature, qu’on est peut-être une seule et même entité ?

Le résumé achevé, on ouvre la discussion : celles qui l’ont vécu, qu’est-ce qui les a marquées ?

Bin relève que le spectacle était drôle, certes, mais qu’au tomber du rideau, c’est plutôt une immense tristesse qui l’a submergée. On voit tout ce qui ne va pas, mais comment faire ? Faire mieux, faire plus ?

Lucie se remémore des passages qu’elle avait oubliés, et Cornelia, qui n’a pu voir le spectacle, souligne l’émotion difficile à gérer quand on est témoin (ou peut-être parfois aussi acteurs ?) de l’indifférence face à cette question.

Question ouverte : que pourrions-nous faire ? que faisons-nous ? C’est l’occasion pour chacune de dire de quelle manière elle mène personnellement son combat : Bin utilise les transports publics, comme moi ; Cornelia sélectionne méticuleusement ses produits pour éviter au maximum les emballages plastiques. Anna, originaire de Géorgie, rappelle que les transports publics sont quand même un luxe, pouvoir renoncer à la voiture n’est pas toujours possible selon les infrastructures du pays où on habite. Bin rebondit en soulignant que les initiatives populaires et politiques sont la clé, Noémie en profite pour exprimer ce que sûrement, on pense toutes tout bas : tout le monde devrait faire de la politique, s’engager pour la collectivité, mais l’investissement en temps est tel…

On parle ensuite du rapport au monde qu’on a à travers les écrans, celui qu’on construit contrairement en direct. Le spectacle thématisait ça avec beaucoup de doigté : les reporters transportent la caméra et le micro, et lorsque le cataclysme emporte l’un, puis l’autre, puis le dernier, c’est un grand écran, l’œil de la caméra, qui nous retransmet la mort en direct. On parle de notre consommation des informations : qui écoute quoi ? On est plusieurs à confesser se tenir à distance des journaux, radio ou télé. Les nouvelles sont toujours déprimantes, le stress constant, les émotions difficiles à gérer au quotidien. Problème de niveaux : on nous parle du global à travers les médias, et quand on se tourne face à notre situation locale, on ne perçoit pas forcément quelles voies s’ouvrent à nous pour agir.

Bin nous offre un beau mot de conclusion : finalement, l’art, la culture, c’est le vrai et meilleur canal pour transmettre, susciter des réflexions, animer les esprits, car ça parle de ces choses qui comptent, mais d’une manière qui nous touche sans nous paralyser.

Noémie acquiesce : si elle avait su de quoi parlait le spectacle avant de venir, elle aurait sûrement haussé les épaules – ah ! encore quelqu’un qui va nous faire la morale sur la crise climatique. Sans savoir, elle est venue, et comme nous toutes, elle est repartie véritablement émue : oui, ça nous parle d’urgence, de climat, de consommation, d’indifférence entretenue, mais ça le fait sans morale, ça nous montre, ça nous invite, ça nous fait voyager.

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